Paysages du feu en savane ouest-africaine. Le rôle des feux et incendies dans la construction des paysages végétaux soudano-sahéliens à l’Holocène / Fire Landscapes in the West-African savanna. The role offires in the construction of the Sudano-Sahelian vegetation landscapes during the Holocene

Les recherches interdisciplinaires menées depuis une vingtaine d’années en Afrique soudano-sahélienne permettent de tracer les grandes lignes de l’évolution de la végétation holocène. Les paysages de savane ou de mosaïque forêt-savane semblent avoir tenu une place majeure dans cette histoire. Outre les déterminismes climatiques, l’un des facteurs pouvant l’expliquer est la présence ancienne des feux et paléo-incendies (Ballouche 2002). Les observations actuelles montrent bien le caractère d’interface nature/société des feux : déterminés à la fois par la sécheresse saisonnière, la disponibilité de biomasse combustible et les mises à feu décidées par les différents groupes humains. Dans le passé, une origine anthropique de ces feux doit être démontrée et mise en relation avec les systèmes anciens de maîtrise de l’environnement par les sociétés (feux de chasse, feux pastoraux, brulis…). Au-delà, la reconstitution des régimes d’incendies, au sens où on les entend dans l’actuel (régularité, fréquence, temporalité d’occurrence, intensité), permet de mieux préciser leur impact sur les milieux et d’apprécier leurs liens avec les pratiques des sociétés.

A partir de l’exemple du site d’Ounjougou (Pays dogon, Mali), l’histoire holocène des feux de végétation démontre que le caractère pyrophile des savanes soudano-sahéliennes est profondément ancré dans le temps et devient de ce fait une marque anthropique héritée de l’émergence progressive de systèmes agro-sylvo-pastoraux complexes (Le Drézen 2008). Il s’agira de proposer ensuite un schéma général de compréhension du rôle des incendies dans les dynamiques des paysages en savane soudano-sahélienne d’Afrique de l’Ouest, et de son enracinement historique, à l’échelle de l’Holocène.

Les rôles variés que jouent aujourd’hui les feux dans les paysages ouestafricains - soit en tant qu’outil de maitrise de l’environnement ou encore en tant qu’expression matérielle de pratiques culturelles, parfois mal comprises - offrent par ailleurs la perspective d’une diversité de lecture des dynamiques et trajectoires paysagères. Cette lecture peut autant faire appel à l’organisation socio-économique et territoriale des sociétés du passé, en particulier leurs systèmes de production, qu’à l’interprétation qu’elles ont pu faire de leur environnement. Or, c’est à partir de cette dimension culturelle que se construisent les représentations en fonction desquelles les sociétés détermineront leur comportement vis-à-vis de leur environnement

En filigrane des relations matérielles d’une population avec les différentes composantes de son environnement, c’est son type d’organisation et son mode de pensée qui se trouve ainsi transcrit dans le paysage (Pélissier 1980). Ainsi, grâce à l’approche paysagère, plus que la connaissance et la caractérisation des feux de végétation dans le passé, et au-delà des pratiques et des techniques qu’ils traduisent, c’est la nature et la structure des sociétés qu’il s’agit d’éclairer.

Mots-clés : Paysage, Savane, Feu, Holocène, Afrique de l’Ouest.

BALLOUCHE A., 2002 - Histoire des paysages végétaux et mémoire des sociétés dans les savanes ouest-africaines. Historiens et géographes. vol. sp. (381), pp. 379-388.
LE DREZEN Y., 2008 - Dynamiques des paysages de la vallée du Yamé depuis 4000 ans. Contribution à la compréhension d’un géosystème soudano-sahélien (Ounjougou, Pays dogon, Mali). Thèse, université de Caen-Basse Normandie, 376 p.
PELISSIER P., 1980 - L’arbre dans les paysages agraires de l’Afrique tropicale. Cah. ORSTOM, sér. Sci. Hum. Vol. XVII, n° 3-4, pp. 131-136.