De la nécessité d’intensifier la recherche sur les procédés de transformation du métal en sidérurgie directe et les mécanismes de leur transmission

  • Author: Élisée Coulibaly
  • Topic: Metallurgical studies
  • Related Congress: 13th Congress, Dakar

Grâce à la multiplication d’études de plus en plus précises, on dispose
aujourd’hui d’intéressantes données neuves sur les techniques de la chaine
opératoire en métallurgie du fer développées sur le continent africain au
cours des siècles passés, allant de la prospection du minerai à la transformation
du métal brut en objet fini. Dans le cadre du présent propos, l’étude sera
centrée sur la métallurgie de transformation et le cadre géographique limité à
l’Afrique de l’Ouest pour des raisons précises. En l’état actuel des connaissances
sur les arts du feu, en particulier la sidérurgie directe, cette partie de
l’Afrique constitue de manière incontestable l’un des plus importants pôles
où la recherche a fait des progrès spectaculaires : d’une part les dates relatives
aux origines de la métallurgie du fer y sont très anciennes, puis qu’elles
remontent jusqu’au 3e millénaire av. J.C (Bocoum H., 2002) ; d’autre part, si
on dispose d’une documentation relativement abondante sur la métallurgie
du fer, force est de constater que très peu d’auteurs s’intéressent aux procédés
de la métallurgie de transformation et que c’est encore en Afrique de
l’Ouest que l’on dispose davantage de travaux sur cette question (Coulibaly
E., 2006).

Ces travaux, même s’ils sont encore très fragmentés, présentent un grand
intérêt (Coulibaly E., Fluzin P., Benoit P., 2000): ils mettent en jeu de méthodes
d’étude nouvelles, les études analytiques des archéo-matériaux en
laboratoire que l’on regroupe sous l’appellation archéométrie (études physico-
chimiques et métallographiques) et apportent ainsi de précieuses informations
sur les techniques mises en oeuvre pendant la fabrication de l’objet
étudié, en l’occurrence les traces des traitements thermomécaniques et thermochimiques
que celui a subis, les procédés de soudure, l’élaboration des
alliages, permettant ainsi de reconstituer l’histoire des objets archéologiques
(Bocoun H. et al, 1988). Les enquêtes ethnoarchéologiques effectuées auprès
des forgerons détenteurs de savoir-faire en matière de forgeage permettent,
elles aussi, de comprendre que la mise en oeuvre de telle ou telle autre technique
fait appel à des connaissances et des gestes précis qui conduisent à obtenir
un résultat recherché.

Il apparaît que le développement de telles études est indispensable pour
comprendre la paléo métallurgie africaine au sujet de laquelle il n’existe pas
de documents écrits laissés par les anciens eux-mêmes. Il se pose alors
d’importantes questions : d’abord, en raison de l’absence de laboratoires et
de personnels compétents suffisants sur le continent, comment la recherche
archéométrique peut-elle se développer ? Ensuite, à propos de l’objet de la
recherche lui-même, que peut-on savoir de l’origine des savoir-faire ? Qui en
était détenteur? Quelles étaient les lieux, les conditions et les modes de
transmission de ces savoir-faire ? Quelle était la place du secret professionnel,
mais aussi celle du rituel autour de ces savoir-faire ? Ces savoir-faire
ont-ils un fondement que l’on pourrait caractériser de scientifique ? Comment
peut-on préserver ce patrimoine aujourd’hui pour une « recherche action
»? Voici autant de questions auxquelles nous essayerons d’apporter des
réponses.

Ba A. H., 1976, « En Afrique cet art où la main écoute », in Le Courrier de l’Unesco.
Bocoum H., Guillot I. & Fluzin P., 1988, « Apport de la métallurgie structurale à
l’interprétation fonctionnelle de trois objets en fer au Sénégal », in Revue d’Archéométrie,
12, pp. 57-70.
Bocoum H. (éd.), 2002, Aux origines de la métallurgie du fer en Afrique : une ancienneté
méconnue. Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale, Éd. UNESCO, Paris.
Coulibaly E., Fluzin P., Benoit P., 2000, « Approche des techniques de traitements thermomécaniques
et thermochimiques dans la mise en forme des objets chez les forgerons du
Bwamu (Mali-Burkina Faso) », in Pétrequin P., Fluzin P., Thiriot J., Benoit P. (éd.), Arts
du feu et productions artisanales, XXe rencontres internationales d’archéologie et
d’histoire d’Antibes, APDCA, Antibes, pp. 143-158.
Coulibaly E., 2006, Savoirs et savoir-faire des anciens métallurgistes d’Afrique, Paris, Karthala.
Devisse J. 1993, « Le fer en Afrique : une étape de la recherche : 1975/1993 », Studia Africana.
Halleux R., 2009, Le savoir de la main, savants et artisans dans l’Europe pré-industrielle,
Paris, Armand Colin.
Holl Augustin F.C., 2009, “Early West African Metallurgies: New Data and old Orthodoxy,”
J. World Prehist, Spinger Science + Business Media, LLC.
Huyghe Edith et François-Bernard, 2000, Histoire des secrets, de la guerre du feu à l’internet,
Edition Hazan.
Kanté N., 1993, Forgerons d’Afrique noire. Transmission des savoirs traditionnels en pays
malinké, Paris, L’Harmattan.
Kiéthéga J.-B., 2009, La métallurgie lourde du fer au Burkina Faso, Paris, Karthala.
Killick D., 2004, “What do we know about African iron working,” Journal of African Archaeology,
Vol. 2(1), pp. 97-112.
Schmidt P. R., 1997, Iron technology in East Africa, Indiana University Press.


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